Cet article est ma traduction de l’article « Sugar powers a revolution on Brazil’s roads », publié dans le quotidien anglais The Guardian en novembre 2005 – Sugar powers a revolution on Brazils roads
Version PDF – Le sucre, carburant d’une révolution sur les routes brésiliennes
Illustrations – Unsplash
Entraînée par la flambée des prix du pétrole, l’essence à la pompe au Brésil coûte déjà 70 % de plus que l’ « alcool », le carburant bioéthanol issu de la canne à sucre que les Brésiliens choisissent de plus en plus pour leurs voitures.
Les carburants tels que le biodiesel sont renouvelables et peuvent être fabriqués à partir de produits agricoles (huile de palme, graines de soja, etc.), qui peuvent ensuite être mélangés aux produits dérivés du pétrole comme le diesel à hauteur de 30 %. C’est un domaine dans lequel le Brésil est leader, comme pour la samba et le football.
La raison principale, c’est que les pays d’Amérique du Sud peuvent se vanter de posséder des dizaines d’espèces végétales utilisables pour la fabrication des biocarburants – ainsi que du suif bovin. Bertin, le plus gros exportateur de bœuf du pays, construit actuellement une nouvelle usine pour transformer le suif en biodiesel, pour une production annuelle de 100 000 tonnes. Le Brésil ne bénéficie pas seulement de la masse continentale – il fabrique également la moitié des 21 millions de tonnes d’éthanol produit dans le monde.
Le Brésil est déjà passé par là. Dans les années 80, en réaction aux chocs pétroliers de 1973 et de 1981, le gouvernement militaire a proposé des avantages fiscaux afin de faire rouler les voitures à l’éthanol – à tel point qu’entre 1983 et 1988, jusqu’à 90 % des véhicules fonctionnaient avec ce carburant. Le marché s’est effondré avec la chute des prix du pétrole – et parce que les producteurs de canne à sucre ont augmenté les prix de l’éthanol de plus de 40 %.
La différence aujourd’hui, c’est que les conducteurs ont beaucoup plus de choix puisqu’il leur est possible de mélanger l’éthanol et l’essence comme bon leur semble, dans les moteurs dits “flexibles”, introduits en 2003 par Volkswagen et fabriqués par des concurrents tels que Peugeot – qui lance une version 1,4 litre le mois prochain en plus du moteur 1,6 litre déjà produit ici. Peugeot développe un modèle biodiesel. 80 % des nouvelles voitures fabriquées au Brésil sont équipées de moteurs « flexibles », ce qui représente une augmentation de 17% l’année dernière. Selon Serge Habib, directeur général de Citroën dans le pays, dans deux ans cette proportion atteindra 100 %. Tout comme les hybrides, les voitures « flexibles » conservent une cote occasion élevée, ce qui les rend plus attractives.
M. Habib affirme que fabriquer de l’éthanol à partir de sucre est rentable tant que le baril de pétrole coûte plus de 37 $ – ce qui est bien en-dessous de son prix actuel. Le prix moins élevé du biocarburant compense l’augmentation de 25 % de la consommation de carburant constatée chez les consommateurs. Mais son avantage est avant tout macro-économique. Luiz Custodio Martins, président de l’Union du sucre et de l’alcool basée à Minas Gerais, deuxième état producteur de sucre du Brésil, dit que « l’économie brésilienne a économisé 400 milliards de dollars d’importations depuis la création du Programme d’alcool national, et cela sans tenir compte des intérêts. »
Le gouvernement brésilien voit aussi dans le biocarburant un moyen d’aider les parties rurales du pays à s’extraire d’une pauvreté écrasante. Par exemple, on estime qu’utiliser des graines de ricin du Sertao (partie aride au nord-est du Brésil) dans le biodiesel, permettra de créer des milliers d’emplois dans cette région appauvrie, où les familles qui produisent les produits bruts utilisés dans la fabrication de biodiesel reçoivent actuellement des exonérations fiscales.